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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

ou colère ; 3° stupidité ou ignorance. La première fait naître le vent ; la seconde la bile ; la dernière la pituite. Les quatre causes de nature secondaire sont : 1° les saisons, par rapport au froid et au chaud ; 2° un démon quelconque ; 3° l’abus de nourriture ; 4° un mauvais genre de vie. Ce livre renferme des avis utiles relativement aux moyens de rester exempt de maladies et donne un grand nombre de règles relatives à la nourriture, aux occupations, à la direction de la vie selon les diverses saisons, etc. Il indique les symptômes des maladies et les questions que le médecin doit adresser au patient sur sa nourriture, ses occupations, les circonstances dans lesquelles la maladie s’est déclarée, ses progrès et les douleurs ressenties. Les remèdes prescrits contre les maladies sont au nombre de 1200 et peuvent se réduire à quatre classes : médecine, travail manuel, diète, manière de vivre.

Mes frères n’ont jamais vu ou entendu dire qu’une médecine ait été prise ou une opération chirurgicale commencée sans être précédées ou suivies de prières aux Bouddhas de médecine, en tibétain Manlas, « les suprêmes médecins », et de cérémonies qui doivent accroître la puissance curative de la médecine. Les Manlas sont au nombre de huit ; ce sont les Bouddhas imaginaires à qui on attribue la création des plantes médicinales. Quand on va ramasser ces plantes, on implore l’assistance de ces Manlas et on prononce leurs noms en préparant et en faisant la médecine ; leurs noms ou leurs images sont ordinairement imprimés au commencement des livres qui traitent de médecine. On les prie surtout en préparant les pilules Mani, qui ne s’emploient que dans les maladies très graves. Les cérémonies qui accompagnent la préparation de ces pilules sont appelées Manii rilbou groub tab, « préparation de la pilule Mani[1]. » Les Manis sont faits d’une sorte de pâte de pain à laquelle sont mélangés des fragments de reliques d’un saint sous forme de poudre ou de cendres. Cette pâte est humectée avec de l’eau consacrée et pétrie avec de la pâte ordinaire ; on en fait de petites pilules qui doivent être administrées aux malades[2]. Le vase qui renferme la pâte et l’eau est posé sur une circonférence divisée en six sections avec un cercle central plus petit ; dans ce centre est inscrite la syllabe « hri », très puissante invocation mys-

  1. Mani, « une pierre précieuse » : ril-bu, « un globule, une pilule » ; grub, « faire faire, préparer » ; thabṣ, « moyens, méthode ».
  2. Ces pilules sont les mêmes que celles dont parle Huc, Souvenirs, vol. II, p. 278, comme très estimées.