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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

sonnels, à ceux de la maison ou de la campagne, etc., en l’honneur desquels on a coutume de renverser un peu de nourriture ou de boisson, ou de remplir les vases à offrandes placés devant leurs images avant de manger ou de boire soi-même[1]. On peut aussi élever des pavillons à prières (Derchoks et Lapchas), faire des offrandes aux lieux consacrés que l’on rencontre en voyage sans l’aide des Lamas, qui n’est pas indispensable non plus pour assurer l’efficacité des sentences mystiques de pouvoir magique, les Dharānis.

1. Rite Doudjed

Ce rite, dont le nom signifie « préparer », sous-entendu les vases, a pour but de concentrer les pensées. Ceux qui veulent s’adonner à une profonde méditation placent devant eux un vaisseau en forme de vase, appelé Namgyal boumpa, « le vase entièrement victorieux », et un vaisseau plat appelé Laï boumpa, « le vase des œuvres »[2]. Le Namgyal-boumpa figure l’abstraction de l’esprit de tous les objets environnants ; le Laï-boumpa, la perfection dans la méditation abstraite. On ne doit pas poser les vases sur la terre, mais sur une étoffe ou un papier où est dessiné un cadre octogone, appelé Dab chad, « octogone » ; on remplit les vases d’eau parfumée au safran et on entrelace autour d’eux des bandelettes aux cinq couleurs sacrées ; on y met aussi des fleurs ou de l’herbe Kousa[3]. Le dévot fixe son regard sur ces deux vases, réfléchit sur l’avantage qu’il tirera de la méditation et par là il est porté à une profonde concentration de l’esprit.

Le cadre Dabchad a neuf compartiments séparés par des ornements figurant des nuages. Dans chaque compartiment est inscrit le nom d’une Dakini ou Yôgini, en tibétain Khado, ou aussi Naljorva ; dans la case centrale une inscription indique qu’elle représente le « chef des Dakinis », que les livres sacrés appellent Sangye Khado en tibétain, Bouddha Dakini en sanscrit. Dans un Dabchad qu’Hermann s’est procuré à Sikkim, les mots du centre sont : ḍbous-byas-ṃkhro[4], et signifient « Dakini occupant (fait dans) le cen-

  1. Cette coutume est générale dans toutes les contrées de l’Asie et du Sud-Est de l’Europe. Voyez Pallas, Reisen, vol. I, p. 56.
  2. Ces vases sont assez souvent représentés sur les coussins qui servent de siège aux Lamas pendant le service religieux public.
  3. C’est à cette espèce qu’appartenait le gazon dont Sākyamouni fit son siège sous l’arbre Bôdhi.
  4. ḍBus, « centre », byas, « fait ».