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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

lyse des images et à l’étude des spéculations des bouddhistes sur l’apparence extérieure de leur royal fondateur, me permirent d’approfondir l’étude des caractères ethnologiques des différentes classes de divinités représentées[1].

Nous avons trouvé, dans toutes les nations, que les représentations artistiques, sous forme humaine, de divinités et de figures de héros, sont des reproductions du type particulier du peuple[2], à moins que l’histoire n’ait quelque peu modifié ce penchant naturel. Les exemples de ce dernier cas sont pourtant beaucoup plus rares qu’on pourrait le croire. Voici, à mon avis, les principales causes qui expliquent le peu d’influence de l’histoire sur l’adoption et l’emploi de types étrangers : premièrement, l’emploi d’images d’un type étranger n’est que temporaire, les proportions corporelles particulières à un peuple étant toujours sous les yeux de l’artiste, elles sont bientôt reprises pour modèles ; secondement, les proportions corporelles montrent très peu de variations pendant des périodes d’une durée incroyable. Si le type d’une nation ne demeurait pas invariable pendant une longue suite de temps, il serait impossible de juger si des éléments étrangers se sont introduits dans l’art. Je citerai comme exemple frappant de la persistance du type national, les résultats d’une étude comparée des œuvres de la sculpture égyptienne[3] ; elles présentent, quoiqu’un peu déguisés sous la forme monumentale, les traits des habitants actuels de ces pays, ainsi que ceux des diverses nations voisines avec lesquelles leurs ancêtres ont été en contact.

La tendance de l’artiste à adopter dans les images religieuses le type particulier de sa nation s’observe partout où des images étrangères ont été introduites avec un culte étranger ; les images présentent les traits caractéristiques de la nation qui les a produites, les proportions du corps et les

  1. Les matériaux ethnographiques réunis par mes frères pendant leurs voyages feront le sujet du vol. III des Results of scientific Mission to India and High-Asia. Nous avons déjà calculé les valeurs numériques dont nous avions besoin pour la comparaison de la mesure des sculptures avec les proportions moyennes chez les Brahmes (la caste la plus pure de l’Inde) et les individus de race tibétaine.
  2. Les facultés mentales et artistiques d’une nation subissent des modifications dans le cours des temps et agissent dans le même sens sur ses productions, qui soit des perfectionnements des anciens modèles ou qui montrent la décadence dans l’exécution de ces œuvres.
  3. Parmi les principaux ouvrages qui traitent de ces questions intéressantes et délicates, je citerai Types of mankind et Indigenous races, par Nott et Gliddon. On peut citer, comme un phénomène qui corrobore l’invariabilité du type original, les colonies juives de l’Inde, qui ont gardé le type et le teint clair de la race sémitique partout ou ils se sont abstenus d’alliances avec les naturels ; mais qui ont pris le type des natifs, quand il y a eu mélange des deux races.