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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

avaient excellé dans la vertu et les sciences, comme Mandjousri. Les écoles Mahâyâna, dit-il, ont même adoré tous les Bôdhisattvas sans autre distinction[1].

À présent, outre les choses et les personnages que nous venons de citer, les Bouddhas mythologiques, prédécesseurs de Sâkyamouni, et ceux qui le suivront, leurs Dhyanis Bouddhas et Dhyanis Bôdhisattvas, sont également adorés, et une foule de dieux, d’esprits et de prêtres déifiés jouissent d’une réputation locale de sainteté. Nous donnerons une idée de leur nombre en disant que la collection tibétaine d’images bouddhiques, connue sous le nom de « Galerie de Portraits », renferme les dessins de plus de trois cents Bouddhas, saints, etc. ayant chacun son nom inscrit au bas de son image[2].

Le bouddhisme moderne, pour faciliter le culte de ses nombreuses divinités, en a fait des représentations en quantité prodigieuse. Ces exemplaires se voient partout, il n’est pas de temple qui n’en contienne des lots ; elles sont installées dans les maisons particulières et en plein air ; les pages titres des livres imprimés ou même le commencement de chaque chapitre sont illustrés d’une figure en noir ou en couleur. Cet emploi si étonnamment fréquent des représentations divines, vient probablement de la croyance que l’image consacrée devient par là même « animée » (en mongol Amilakho), c’est-à-dire douée du pouvoir du dieu qu’elle représente ; c’est pourquoi on peut adresser les prières non seulement au dieu lui-même, mais encore à son image[3].

Les images sont fabriquées exclusivement par les lamas, qui excellent comme leurs maîtres les Chinois (qui les premiers ont introduit les images du Bouddha au Tibet), de qui ils ont appris à vaincre beaucoup de difficultés techniques inhérentes à la fabrication[4]. Le monopole exercé maintenant par les lamas tient surtout à la croyance que les prières adressées aux représentations des dieux ne sont efficaces que si ces images ont été exécutées

  1. Barthélemy Saint-Hilaire, le Bouddha et sa religion, pp. 288-297.
  2. Cette galerie de portraits ressemble à la collection japonaise de figures de Bouddhas nommée Bouddhas Pantheon of Nippon, qui fut composée en 1690 et se compose de six cent trente et un dessins. Le professeur J. Hoffmann, de Leyde, l’a publiée et expliquée par ses annotations, dans les Nippon Archiv zur Beschreibung von Japon, de Siebold, vol. V.
  3. Voyez Schmidt, Ssanang Ssetsen, p. 330. Je renvoie le lecteur aux légendes sur l’influence des peintures apportées au Tibet par les épouses de Srongtsan Gampo sur la propagation du bouddhisme et la prospérité des Tibétains. Ibid., p. 345.
  4. Au sujet de l’art chinois, voyez Nott et Gliddon, Indigenous races, p. 302.