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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

de faire le mal. De simples pavillons se rencontrent aussi devant les édifices religieux et le long des routes ; ceux que l’on voit devant les grands monastères sont souvent de hauteur considérable ; les deux plus grands que mes frères aient vus, étaient plantés à l’entrée du monastère de Himis[1] ; l’un avait 45 et l’autre 57 pieds de haut ; comme il n’y a pas au Tibet d’arbre qui atteigne une telle hauteur, il a fallu transporter ces poteaux à grand’peine, à travers l’Himalaya. La partie supérieure de ces poteaux était décorée de trois anneaux concentriques de crins de yaks noirs suspendus à quelque distance l’un de l’autre ; en général les mâts n’ont qu’une seule touffe de crins de yaks surmontée d’une pointe de lance dorée.

Les pavillons sont appelés Derchok (le Dourchout de Gérard) ; le tas de pierres sèches qui soutient le poteau se nomme Lapcha. Ces deux termes sont indubitablement des mots d’origine populaire, et ne se trouvent pas dans les dictionnaires. Le Der de Derchok pourrait s’expliquer par dar, soie, étoffe qui s’emploie quelquefois pour ces pavillons. Lapcha est probablement une modification de lab-tse, « un monceau », qui se rencontre aussi dans les noms géographiques soit sous la forme de Lábtse, comme dans Lábtse Nágou et Lábtse Chou, à Gnary-khorsoum, ou comme Lápcha[2]. Quelques-uns de ces drapeaux sont de forme régulière, et couverts d’impressions de prières et d’incantations, telles que, « Om mani padme houm » ; d’invocations au cheval aérien (en tibétain Loungta) ; de la figure magique Phourbou et d’autres encore. Ces pavillons imprimés sont fixés au mât par leur plus long côté, et un bâton rouge horizontal les empêche de s’affaisser ou de se rouler. D’autres drapeaux sont de simples haillons de toutes dimensions et matières attachés par les voyageurs aux lapchas trouvés le long de la route, pour obtenir « un heureux voyage ». Nulle part on n’en trouve autant que sur les points les plus élevés des défilés, et souvent on est surpris de voir un lapcha sur un point très élevé et éloigné des routes ; la raison en est que les frontières des provinces sont également marquées par des amoncellements irréguliers de pierres[3] ; de sorte que même sur le sommet du Gounshankár, à Gnary-khorsoum, qui

  1. Voyez, « vues du monastère de Himis », dans l’atlas des Results of a scientific Mission.
  2. Pour les détails, je renvoie à Glossary of geographical Names, s. v. Lapcha, qui forme la seconde partie du vol. III des Results de Hermann.
  3. Comparez Georgi, Alphabetum tibetanum, p. 508.