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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Nirvâna, parce qu’ils ont renoncé au monde, ne furent certainement admis qu’après la mort de Sâkyamouni ; il avait lui-même cependant reconnu deux classes de disciples, les mendiants, les receveurs d’aumônes, qui ne doivent manger d’autre nourriture que celle qu’ils ont reçue sous certaines conditions (dont une est qu’elle ait été donnée comme aumône) et les maîtres de maison, les donneurs d’aumônes, qui gagnent par là leur mérite ; mais il donnait à ces deux classes les mêmes droits aux avantages promis à ses disciples. Déjà les premières écoles (la secte hinâyâna) excluaient les frères laïques de la perfection des Arhats et du Nirvâna ; le système mahâyâna les admet, mais les sectes actuelles du Tibet ont de nouveau élevé cette puissante barrière entre la laïcité et le clergé, refusant à la première la possibilité d’atteindre au rang de Bouddha ; les laïques peuvent arriver à Nirvâna, mais ils ne peuvent devenir « une bénédiction pour le monde[1]. » Les ascètes sont appelés dans les livres sacrés Bhikshous, Sramanas, Sravakas, Archats, et les disciples laïques, les dévots, Oupasakas (en tibétain Genyen) ; dans les Mahâyâna Soutras, ces derniers sont appelés « Bodhisattvas qui habitent dans leurs maisons », les premiers « Bodhisattvas qui ont renoncé au monde ».

On représente généralement les premiers disciples de Sâkyamouni errants avec leur royal maître, ou retirés dans les bois et les forêts qui environnent les établissements, pour obéir à ses fréquentes exhortations de mener une vie solitaire ; d’autres habitent des maisons isolées et inconnues qu’ils ne quittent qu’à certaines époques pour se réunir autour du maître et entendre sa parole. De grandes assemblées, qui sans doute remontent au temps de Sâkyamouni lui-même, avaient lieu régulièrement après la saison pluvieuse ; pendant les pluies Sâkyamouni, avec ses principaux disciples et les ermites, s’abritaient dans la demeure de personnes de bonne volonté et se livraient à la méditation sur les points de doctrine qu’ils n’avaient pas encore clairement compris ; ils employaient aussi une partie de leur temps à l’instruction de leurs hôtes. Dans les assemblées dont nous venons de parler, les Bhikshous rapportaient leurs succès à gagner des néophytes, discutaient différents dogmes et demandaient la solution des doutes qui pouvaient les avoir troublés.

  1. Voyez p. 19, 26 et 66. Comp. aussi Hodgson Illustrations, p. 98. Hardy, Eastern Monachism, page 12.