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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

« Puissent tous ces Bouddhas délivrer tout être vivant des horreurs d’une mort prématurée[1] !

« J’adore tous les victorieux, les Tathāgata, les vainqueurs de l’ennemi, les très purs, les parfaits Bouddhas passés, ceux qui ne sont pas arrivés (futurs) et les présents[2].

« J’adore le protecteur des créatures, ḳLou-ṣgroubṣ, le héros ; Gourou-Padma ; ḍPal-Na-ro-va ; ḍPal-Bi-ma-la-mitra, Pándita A-ti-sha et avec eux la succession des saints Lamas[3].

« (Ce livre) ṣDig-ḅshagṣ-gser-kyiṣ-ṣpu-gri a pouvoir de soumettre, de brûler, de détruire l’enfer. Il sera une consolation pour les êtres vivants, dans cette période de détresse et de misère[4], lorsque dans les lieux (destinés aux) représentations du Bouddha, de ses préceptes et de sa miséricorde[5],

  1. Voyez page 69.
  2. Phrase analogue à une autre qui se trouve au commencement de l’adresse ; sa signification a été expliquée page 80.
  3. Ce sont des prêtres indiens très illustres par leur zèle à propager le bouddhisme ; à l’exception de Lougroub, le premier de cette série, ils s’occupèrent activement à répandre ses doctrines dans le Tibet. Lougroub (en sanscrit Nagarjouna) est le fondateur du système mahâyâna ; voyez page 21. Gourou-Padma est le fameux maître Padma Sambhava, qui fut demandé par le roi Thisrong de Tsan et qui serait arrivé au Tibet en 747 avant J.-C. Bimala Mitra vint aussi au Tibet sur l’invitation de ce roi. Voyez Schmidt, Ssanang Ssetseyi, p. 356. Na-ro-va, qui est cité avant Bimala, était sans doute contemporain de celui-ci et de Padma Sambhava. Pandita Atisha, le dernier de la série, acquit une grande réputation en rétablissant le bouddhisme après les persécutions de Langdharma et de ses successeurs (902-971).

    Le terme tibétain ḅla-ma dam-pa-ḅṛgyoud est un titre d’honneur appliqué aux prêtres qui ont créé un système spécial de bouddhisme. Dans une phrase suivante et dans le document sur la fondation du monastère d’Himis, nous les verrons appelés « lamas de fondation », en tibétain, ṛtsa-va’i-ḅla-ma.

  4. En tibétain ḅṣkal-ba-ṣnyig-ma. Selon les croyances des bouddhistes et des brahmanes, l’univers, qui n’a ni commencement ni fin, est périodiquement détruit et reconstruit ; ces révolutions s’accomplissent en quatre périodes ou kalpas, c’est-à-dire les périodes de formation et de continuation de la formation, et les périodes de destruction et de disparition de l’univers. Ici il s’agit du Kalpa de destruction et il est prédit que l’homme obtiendra le pardon de ses péchés en lisant ce livre. L’univers est dissous et consumé par la puissance du feu, de l’eau et du vent, qui le détruisent complètement en soixante-quatre attaques contre la substance. La situation morale de l’homme, avant que ces divers agents entrent en action, est définie comme il suit : « Avant la destruction par l’eau, la cruauté et la violence dominent dans le monde ; avant celle par le feu, la licence, et avant celle par le vent, l’ignorance. Quand la licence prévaut, les hommes sont fauchés par les maladies ; quand c’est la violence, ils tournent leurs armes les uns contre les autres ; quand c’est l’ignorance, ils sont décimés par la famine. » Hardy, Manual of Buddhism, pages 28, 35 ; Schmidt, Mémoire de l’Académie de Saint-Pétersbourg, vol. II, pages 58, 61.
  5. Cette phrase doit être comprise comme une sorte de prédiction que les temples seront profanés par des négociations mondaines ; car c’est dans les temples que se trouvent les trois représentations (tibétain Tensoumnii) du Bouddha, de sa loi et de sa miséricorde. Le Bouddha est représenté en statues, en bas-reliefs et en peinture. Les peintures sont suspendues aux poutres traversières du toit ou tracées sur les murs ; les statues et bas-reliefs le représentent assis et sont placés dans un retrait derrière l’autel. Les préceptes qu’il légua aux hommes en quittant la terre sont symbolisés par un livre placé sur un des degrés de l’autel, ou sur une tablette suspendue au toit. Sa miséricorde ou charité illimitée qui lui fit