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LE BOUDDHISME AU TIBET

confessent leurs fautes prosternés devant son image. Les représentations de ces dieux nous les montrent dans une curieuse position, avec une femme tendrement enlacée autour d’eux.

En plus des nombreuses légendes racontées par Pallas sur les huit Dragsheds implorés de préférence par les Mongols, je joins ici les légendes de Lhamo (sanscrit Kâlâdevi), Tsangpa (sanscr., Brahma) et Chakdor ou Chakna dordje (sanscr., Vadjrapāni), adversaires des démons.

LÉGENDE DE LHAMO (SANSCRIT KÂLÂDEVI)

La déesse Lhamo[1] était mariée avec Shindje, roi des Doudpos qui, à l’époque de ce mariage, prit la forme du roi de Ceylan. La déesse avait fait vœu d’adoucir les habitudes cruelles et méchantes de son époux et de le bien disposer pour la religion du Bouddha, ou, si elle échouait, d’exterminer une race royale si hostile à sa croyance, par le meurtre des enfants qui pourraient naître de son mariage. Par malheur il n’était pas en son pouvoir de changer les mauvais instincts de son époux et elle résolut de tuer son fils, tendrement aimé par le roi, qui voyait en lui l’instrument futur de la ruine complète du bouddhisme à Ceylan. Pendant une absence de ce monarque, la déesse met son projet à exécution ; elle écorche vif son enfant, boit son sang dans son crâne et mange sa chair ; puis elle quitte le palais et se dirige vers sa patrie septentrionale. De la peau de son fils elle fait une selle pour le meilleur cheval des écuries du palais. À son retour le roi, apprenant ce qui s’était passé, saisit un arc et avec une incantation terrible, décoche une flèche empoisonnée à sa redoutable épouse. La flèche frappe le dos du cheval et y reste fixée ; mais la reine neutralise l’effet de l’imprécation, arrache l’arme mortelle et prononce la sentence suivante : « Puisse la blessure de mon cheval devenir un œil assez large pour embrasser d’un seul regard les vingt-quatre régions et puissé-je moi-même exterminer la race de ces méchants rois de Ceylan ! » Elle continue son voyage vers le Nord, traversant en grande hâte l’Inde, le

  1. Dans une prière adressée à cette déesse, qui est imprimée planche XII, elle est invoquée sous le nom de Rima. Cette légende est relatée dans le livre Paldan Lhamoi kang shag, se confesser devant la vénérable Lhamo. Ce traité se lit quand on offre un sacrifice à la déesse. Un exemplaire de ce livre en tibétain et en mongol est à la bibliothèque de l’université de Saint-Pétersbourg. L’édition mongole présente quelques détails en kalmouk, qui n’existent pas dans la version tibétaine.