Page:Schlagintweit - Le Bouddhisme au Tibet.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
ANNALES DU MUSÉE GUIMET

jes, habitent la région Paranirmita Vasavartin, « qui exerce un pouvoir sur les métamorphoses produites par d’autres », la plus élevée dans le monde de désir. Ils s’efforcent d’empêcher le dépeuplement du monde en favorisant les mauvais désirs de l’homme et en éloignant les Bodhisattvas du Bodhi ; ce sont eux qui troublent la dévotion des bouddhistes assemblés et coupent court à la méditation la plus profonde en prenant la forme d’une femme admirablement belle, en suggérant des idées plaisantes, en affirmant que ceux qui ne prennent pas leur part des plaisirs de la vie doivent renaître en enfer et bien d’autres tours de même nature. Ce sont aussi ces mêmes esprits qui, quand l’heure de la mort a sonné, saisissent l’âme délivrée et l’amènent devant Shindjé, leur roi, pour être jugée et condamnée selon ses œuvres. La contradiction apparente de cette fonction avec leur tendance à pousser l’homme à se livrer aux plaisirs de l’existence s’explique par le dogme « que naissance et déclin sont inséparables », d’où il résulte que les dieux en provoquant l’existence mettent simultanément en action la puissance destructive, qui est l’inévitable conséquence de l’existence[1].

Soumettre les mauvais esprits est l’un des devoirs les plus importants des dieux et des génies, et ils prennent un aspect horrible quand ils les combattent ; dans ces terribles rencontres ils deviennent positivement enflammés de colère. Tous les dieux peuvent, quand ils le veulent, soumettre les démons ; mais il y en a une classe qui se sont voués spécialement à l’extermination des esprits malins, vocation confirmée par un terrible serment entre les mains du Bouddha Vadjradhara[2]. Ces dieux sont nommés Dragsheds[3], « les cruels bourreaux » ; selon les légendes, leur fureur contre les démons provient des innombrables tours dont ils ont été victimes.

Il y a encore des subdivisions parmi les Dragsheds. Celui qui est appelé Yabyoum choudpa, « le père qui embrasse sa mère », outre qu’il peut tenir en échec toute une légion de démons, a encore le pouvoir de délivrer les hommes de leurs péchés, à la condition qu’ils se repentent sincèrement et

  1. Foe Koue Ki, traduction anglaise, p. 248 ; Schmidt, Mémoire de l’Académie de Saint-Pétersbourg, vol. II, p. 24 ; Sanang Setsen, p. 340.
  2. Voyez sur ce Bouddha, p. 34 et suivantes.
  3. De Dragpo, cruel, plein de rage, et Gshed-ma, bourreau. En Mongolie on adore particulièrement huit de ces Dragsheds ; ils sont appelés (suivant Pallas, Mongol Völker, vol. II, page 95), Naiman Dokshot.