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LE BOUDDHISME AU TIBET

Les esprits malins ont des noms qui expriment leur hostilité contre les hommes, tels que Da « ennemi », Geg « diable » ; les plus redoutés sont les Lhamayin et les Doudpos.

Aux Lhamayins, parmi lesquels l’homme peut aussi renaître (voy. p. 58), sont soumis les Yakshas, les Nâgas, les Rakshasas et plusieurs autres groupes de mauvais esprits ; leurs adversaires particuliers sont quatre Maharajas (tib. Gyalchen Zhi), qui habitent le quatrième gradin du mont Mérou[1]. Parmi ces méchants esprits on doit remarquer tout particulièrement ceux qui causent le Dousmayinpar chi, ou « la mort prématurée ». Selon la croyance des Tibétains, la mort prématurée est celle qui, contrairement au cours ordinaire de la nature, est accélérée par les mauvais esprits, tels que Sringan, Dechad, Djoungpo et d’autres. La conséquence de la mort prématurée est la prolongation du « Bardo ». C’est l’état intermédiaire entre la mort et la renaissance qui ne la suit pas immédiatement ; cet intervalle est plus court pour les bons que pour les méchants. La prolongation de cet état intermédiaire est une punition causée par les mauvais esprits qui n’ont de pouvoir que sur les pécheurs. L’âme pendant ce temps n’a aucune forme et les malheureux qui sont la proie des esprits s’épuisent en vains efforts pour rentrer dans un corps. Alors ils apparaissent aux hommes sous l’aspect de morceaux de chair crue informe et ces visions sont regardées comme funestes, présages de maladies ou de mort. Les Dharanis et des offrandes spéciales éloignent ces visions redoutées ; les riches ont dans ce but des sentences magiques ou des traités imprimés ; voici ceux que l’on rencontre le plus fréquemment[2] : Choichi gyalpoi shed doul, « briser le pouvoir de Choigyal », épithète de Shindje ; Tamdin gyalpoi sri nanpa, « soumettre l’honorable roi Tamdin ». Dragpo Chinsreg[3], « le cruel sacrifice », Djig grol gyi pavo, « le héros délivrant du danger « (du Bardo)[4].

Les Doudpos, serviteurs de Shindje, le juge des morts, appelés aussi Shind-

  1. Voyez Burnouf, Introduction, p. 603. Schmidt, Mémoire de l’Académie de Saint-Pétersbourg vol. III, p. 33 et suivantes.
  2. La mort prématurée est aussi indiquée dans un Tantra du Kandjur comme un des sujets de crainte contre lesquels les Dharanis assurent protection. Csoma, Analyse, As. Res., vol. XX, p. 519. Sur le dogme de Bardo, voyez Wassiljew, Der Buddhismus, p. 110.
  3. Chinsreg est le nom tibétain pour l’holocauste dont on trouvera une description au chapitre XV, no 2 ; sur Tamdin, voyez no 5.
  4. Le titre complet est : Bardo phrang grol gyi sol debjig grol, gyi pavo zhechava, invocation protégeant contre l’abîme du Bardo, ou un héros délivrant du danger (du Bardo).