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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Chapitre I. Il commence par la description de la région merveilleuse, Soukhavati (tib. Devāchan)[1]Amitābha (tib. Odpagmed) est assis sur son trône et où il reçoit ceux qui ont mérité la vie de la plus parfaite félicité.

Tout à coup Amitābha, après une profonde méditation, fait jaillir de son œil droit un rayon de lumière rouge[2], de ce rayon naît Padmapāni Bōdhisattva. Pendant ce temps de son œil gauche sortait un rayon de lumière bleue, qui s’incarnant dans les vierges Dolma (en sanscrit Tārā, les deux épouses du roi Srongtsan) avait le pouvoir d’illuminer les esprits des hommes. Alors Amitābha bénit Padmapāni Bōdhisattva en lui imposant les mains, et en ce moment, par la vertu de cette bénédiction, celui-ci créa la prière « Om mani padme houm ». Padmapāni fait le vœu solennel d’affranchir de l’existence tous les êtres vivants et de délivrer de leurs peines toutes les âmes torturées dans l’enfer ; en gage de sa sincérité il ajoute le vœu que sa tête se rompe en mille morceaux, s’il ne réussissait point. Pour accomplir son vœu il se plonge dans une profonde méditation et après être resté quelque temps en contemplation, il regarde, plein de sagesse, dans les diverses divisions de l’enfer, comptant que par la vertu de sa méditation ses habitants seraient montés jusqu’aux plus hautes classes des êtres qui aient jamais existé. Mais qui pourrait décrire son étonnement quand il voit les régions de l’enfer aussi pleines que jamais ? La foule des arrivants avait comblé les vides laissés par ceux qui sortaient. Cette vue si terrible et désespérante fut de trop pour l’infortuné Bōdhisattva, qui attribuait cette défaillance apparente à la faiblesse de ses méditations. Aussitôt sa tête se rompt en mille pièces, il perd connaissance et tombe lourdement sur le sol. Amitābha, profondément ému des douleurs de son malheureux fils, s’empresse à son secours ; avec les mille morceaux il forme dix têtes, et pour le consoler il assure son fils, dès qu’il a repris ses sens, que le moment n’est pas encore venu de délivrer tous les êtres, mais que son vœu s’accomplira pourtant. Depuis ce moment Padmapāni redoubla ses louables efforts[3].

  1. Voyez le chapitre suivant.
  2. D’après la traduction de Pallas, ce rayon est de couleur blanche.
  3. Cette légende est racontée différemment dans l’ouvrage Mongol Nom Garchoi Todorchoi Toli, traduit par Schmidt, Forschungen, p. 202-206. Padmapāni avait fait vœu de ne pas rentrer à Soukhavati tant que tous les hommes et les Tibétains en particulier ne seraient pas sauvés par lui. Mais quand il vit que la centième partie seulement des Tibétains était entrée dans le chemin du salut, la nostalgie de