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le féminisme

résulta-t-elle d’abord de l’admission des femmes dans la société russe.

L’impératrice Catherine II (1762-1796) vit le remède du mal dans l’éducation intellectuelle et morale des jeunes filles.

Elle s’adressa à des personnages de marque dans l’Europe occidentale, notamment à Voltaire, qui résidait alors en Suisse, et demanda qu’on lui envoyât en Russie des femmes-professeurs instruites et bien élevées pour entreprendre, dans son empire, l’éducation primaire et secondaire des jeunes filles de l’aristocratie et de la bourgeoisie.

Le Conseil de la République de Berne, auquel Voltaire s’adressa dans la circonstance, s’opposa formellement au départ d’un certain nombre de jeunes Suissesses, disposées à se faire professeurs en Russie. Le Conseil n’admettait pas qu’une femme qu’on soupçonnait d’avoir fait tuer son époux et dont l’Europe entière citait les amants, pût faire œuvre civilisatrice.

L’Impératrice trouva ailleurs des gouvernants moins pudibonds et fut ainsi à même de créer les Instituts de demoiselles, c’est-à-dire des internats où l’on enseignait aux jeunes filles russes les connaissances élémentaires, beaucoup de français, très peu de sciences, la musique, le dessin, la danse et surtout les belles manières.

Quelque défectueux qu’il paraisse aujourd’hui, cet enseignement fut, à l’époque de sa création, un grand progrès.

Les guerres napoléoniennes, la réaction politique sous Paul et Alexandre Ier arrêtèrent le développement du féminisme en Russie.

Mais les tendances émancipatrices qui ne pouvaient se manifester au dehors, continuaient à vivre dans les