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ACTE III, SCÈNE VII.

que nous sommes, par d’autres braves, nous nous consolerions par le destin commun à tous et ses vicissitudes ; mais succomber à pareille jonglerie ! Franchement, noire carrière grave et laborieuse méritait plus sérieuse fin.

LIONEL, lui tendant la main, Milord, adieu ! Comptez sur moi pour vous payer après le combat le légitime tribut de mes larmes, si toutefois je suis encore debout, En ce moment la Destinée m’appelle sur le champ de bataille où elle siège en arbitre suprême, dont la sentence reste encore suspendue. À revoir dans un monde meilleur ! Le temps paraît court aux amitiés longues ! (Il sort.)

TALBOT. Bientôt tout sera fini, bientôt j’aurai rendu à la terre, à l’éternel soleil, ces atomes qui pour la joie et la douleur s’accouplèrent en moi. Et du puissant Talbot qui remplit l’univers de son renom guerrier, il ne restera rien qu’une poignée de vaine poussière. Ainsi l’homme arrive à sa fin. Et la seule chose que nous emportions de notre lutte avec l’existence, c’est un regard plongé dans le néant et le dédain profondément senti de tout ce qui nous paraît grand et digne d’envie !

SCÈNE VII.

CHARLES, LE DUC DE BOURGOGNE, DUNOIS, DUCHATEL. SOLDATS.

LE DUC DE BOURGOGNE. Les retranchements sont emportés.

DUNOIS. La journée est à nous !

CHARLES, apercevant Talbot. Voyez, quel est cet homme qui malgré lui et douloureusement dit adieu à la lumière du soleil ? À l’armure qu’il porte je reconnais un chevalier. Hâtez-vous, et s’il en est temps encore, prodiguez-lui vos soins. (Les soldats de la suite du roi s’approchent de Talbot.)