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Gournay qui luy fit voir des épigrammes qu’elle avoit faites, et luy en demanda son sentiment. M. de Racan luy dit qu’il n’y avoit rien de bon, et qu’elles n’avoient pas de pointe. Mademoiselle de Gournay luy dit, qu’il ne falloit pas prendre garde à cela, que c’étoient des epigrammes à la grecque. Ils allèrent ensuite dîner ensemble chez M. de Lorme, médecin des eaux de Bourbon. M. de Lorme leur aïant fait servir un potage qui n’étoit pas fort bon. Mademoiselle de Gournay se tourna du côté de M. de Racan, et luy dit : Monsieur, voilà une méchante soupe. Mademoiselle, repartit M. de Racan, c’est une soupe à la grecque »[1].

À l’étranger, Marie de Gournay avait des admirateurs dont elle a parlé avec fierté. Juste Lipse et Erycius Puteanus[2] en Flandres, Capaccio et Pinto

  1. Dans son « Advis au lecteur, sur les Epigrammes » Marie de Gournay insiste d’une manière assez amusante sur l’hellénisme de ses divertissements poétiques et, tout de suite, elle se défend : « Ce n’a point esté mon dessein, dit-elle, escrivant les Epigrammes suivans, de les aiguiser de poincte affislée à la façon du siècle : ouy mesmes une partie est du tout sans poincte, selon la mode aseez frequente des plus judicieux Grecs et Latins, qui vouloient chatouïller le jugement du Lecteur par quelque grace naïsve, et non pas son esprit par la subtilité. »
  2. Marie de Gournay s’est adressée à Puteanus, successeur de Lipse à Louvain, pour lui demander d’engager les libraires d’Anvers à se faire dépositaires de son volume de mélanges l’Ombre, publié en 1626. Cette lettre est datée du 16 février 1627. Elle a été publiée par le Dr Payen dans ses Nouveaux documents inédits ou peu connus sur Montaigne (Paris, 1850), en facsimilé. Cf. aussi le Bulletin de l’Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, 1840, où le baron de Reiffenberg cite ce document. Les lettres de Marie de Gournay sont rares ; Payen en 1850 ne connaissait que cette lettre à Puteanus conservée à la bibliothèque royale de Bruxelles. Plus tard M. Pluygers, bibliothécaire à Leyde, lui communiqua la copie des trois lettres à Juste Lipse publiées dans le Bulletin du bibliophile en 1862. Enfin M. P. Bonnefon (Montaigne et ses amis, t. II, p. 404-405) donne le texte d’un billet de Mademoiselle de Gournay à Richelieu où elle se confond en remerciements pour ses « bienfaits ». Ce billet autographe daté du 10 juin (1634 ?) a fait partie de la collection Fillon et se trouve aujourd’hui dans la collection Morrison.