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métaphore peu cohérente de l’épître aux Hébreux et nous dit que le regard de la foi aide à jeter l’ancre de l’espérance au delà du voile de la mort. Ce reproche nous en suggère un autre. Vinet retraduit quelquefois les passages de l’Écriture dont il fait usage, mais en général il les prend dans la traduction reçue, et quelquefois il les enlève à leur sens naturel et à leur contexte ; il insiste sur des expressions qui n’ont pas la même nuance d’acception dans l’original ; bref, il s’inquiète plus de ce que tel ou tel passage peut signifier que de ce qu’il signifie en effet. Le beau sermon sur l’Extraordinaire repose tout entier sur un procédé de cette espèce. L’exégèse de l’épître aux Colossiens, qui sert de base à quelques-unes des Études évangéliques, n’est pas plus solide. On rencontre des paraphrases telles que celles-ci : « Le précurseur du Messie, Jean-Baptiste, s’appelle lui-même une voix de la terre, comme s’il eût voulu dire qu’il était envoyé d’abord pour donner une voix à des sentiments qui sont de tout temps sur la terre et qui se forment d’eux-mêmes dans le sein de l’homme naturel, avant l’avénement, avant la prévision même du souverain Médiateur. » Et ailleurs : « L’Éternel a dit : J’ébranlerai les cieux et la terre. Oui, il ébranlera les cieux pour pouvoir ébranler la terre, c’est-à-dire le cœur de l’homme[1]. »

  1. Ce penchant à l’allusion biblique est devenu une espèce de tic littéraire chez Vinet. En voici des exemples. L’analyse, dans René, cherche en vain « la dernière division des jointures et des moelles. » — La charte de 1814 était moins une vraie libéralité qu’un « fruit de l’avarice. » —— La poésie est « ce doux né de l’amer. » Lamartine peut dire de son talent tout