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souvent malaisé à suivre ; il échappe quelquefois entièrement. Cet ordre, si nous osons employer une telle expression, n’est jamais distributif, mais plutôt progressif ; l’auteur, dont l’esprit est analytique, mais non classificateur, ne divise pas son sujet en plusieurs points qui en épuisent le contenu ; il enchaîne une pensée à une autre pensée, sans aucun lien logique bien apparent. Après cela, ce qu’il faut louer sans réserve dans Vinet, c’est son éloignement pour les formes techniques de langage qui se sont introduites dans la prédication et qui, semblables à une monnaie usée, continuent de passer de main en main, sans qu’aucune vive empreinte en déclare la valeur. Qui n’a entendu avec ennui de ces phrases toutes faites que le prédicateur coud les unes au bout des autres, dans lesquelles les initiés reconnaissent le shibboleth de l’orthodoxie, mais qui repoussent inévitablement ceux dont il faudrait chercher avant tout à se faire comprendre ? Vinet lui-même, tout en rendant au sermon le langage de la vie et les formes de la littérature, est çà et là retombé dans un défaut semblable à celui qu’il voulait éviter. On rencontre dans ses discours un assez grand nombre d’allusions à des passages bibliques, allusions détournées, cachées, qui reposent sur un usage conventionnel de la Parole sainte, et qui, dès lors, doivent échapper au public que l’orateur cherchait à se créer. Ainsi quand il parle de ces formalistes farouches qui ne se sont pas dépouillés du vieil homme, mais qui n’ont fait que le retourner, et qui, « dans le jour de leur sabbat, trouvent leur volonté. » Ainsi quand il se sert d’une