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avoir plusieurs fois répétés, les fixait enfin sur le papier. L’émotion du ministre de l’Évangile disparaissait un peu pour faire place à la réflexion, et, à la suite de la réflexion arrivaient naturellement les habitudes de composition familières à l’écrivain. C’est ainsi que la rédaction a quelquefois laissé des regrets aux personnes qui avaient eu le privilège d’entendre les discours tels qu’ils coulaient des lèvres mêmes de l’orateur. C’est ainsi que se glissaient dans des études, d’ailleurs si remarquables, des raisonnements trop déliés, une surcharge d’intentions, des antithèses recherchées, des assonances même, en un mot, beaucoup de traits trop ingénieux pour être entièrement graves. La prédication était avant tout un acte pour Vinet, et c’est sans doute pourquoi ces concetti, plus brillants que sévères, ne se produisaient jamais au contact de l’auditoire ; de retour dans son cabinet, il avait de la peine à s’en défendre.

Ces recherches de style deviennent plus nombreuses dans les derniers discours comme, en général, dans les derniers écrits de Vinet. Il est d’autres traits, au contraire, qui caractérisent à peu près également ses discours de toutes les époques. Ainsi le manque d’une fusion complète du ton oratoire et du ton scientifique, du sermon et de l’essai. Ainsi une dialectique trop subtile et trop constante, un usage trop habituel de l’argumentation. Les discours de Vinet sont autant de discussions soutenues, savantes, fréquemment triomphantes, mais qui ne laissent pas que de produire une certaine tension d’esprit difficile à concilier avec la dévotion. Ajoutez à cela que l’ordre de ces discours est