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nemi que Vinet avait signalé, on méconnut la nécessité de saisir les armes qu’il avait fourbies, on ne fut attentif qu’aux périls dont le principe de l’individualisme en religion et de la franchise en toutes choses menaçait l’ordre traditionnel.

Il est certain que le principe proclamé par Vinet était un principe de dissolution pour le christianisme national, l’État chrétien, les Églises établies. Il tendait à prouver que ce christianisme national n’est qu’une illusion et une hypocrisie. Il ne repoussait pas seulement la foi d’autorité comme insuffisante, mais aussi comme funeste. Il protestait contre ces habitudes qui amènent chaque dimanche une foule indifférente sur les bancs de nos temples, tous les ans des rangées de catéchumènes et des bataillons de communiants autour de la table sainte. Bref, il aboutissait implicitement au baptisme comme sanction de la libre adhésion, et à la secte comme fractionnement inévitable de la chrétienté affranchie de ses liens artificiels.

Voilà ce qu’on reprocha amèrement à Vinet. On le lui reprocha au nom de l’anthropologie biblique. On l’accusa de pélagianisme. On chercha à montrer que, l’homme ayant perdu la liberté par la chute, l’invitation à la franchise est un appel adressé à l’erreur et au péché ; que la foi d’autorité est la seule qui soit possible pour le grand nombre ; enfin, que l’Église est une institution divine plutôt qu’une association humaine, le tuteur-né du peuple chrétien plutôt que ce peuple, la nation disciplinée par un clergé plutôt que les libres adhérents d’une foi quelconque.