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science. L’État, c’est donc, si l’on veut, l’homme moins la conscience. Mais la conscience, c’est l’élément de la personnalité morale, c’est l’essence de l’homme, l’homme même. L’État, auquel l’individu ne peut prêter sa conscience et qui ne peut pas davantage avoir une conscience à lui, distincte de celle de ses membres, l’État n’est donc pas l’homme, l’État n’est donc pas non plus une personne, un être, il est tout simplement un fait. L’État n’est point l’être humain, mais une institution divine née de la nature de cet être ; il est une des expressions de la nature humaine et la forme nécessaire de la vie humaine ; il est humain, il n’est pas l’homme.

Cette définition se rattache à celle du Mémoire sur la liberté des cultes, où nous avons vu la nécessité signalée comme l’origine de la société. Les deux notions, en effet, tendent à se réunir pour se compléter. La société est la mise en commun de certains éléments de la nature humaine, mais la mesure de cette mise en commun n’est pas seulement déterminée par la nature des choses, par la communicabilité ou l’incommunicabilité des facultés humaines ; elle l’est aussi par l’origine de la communauté, c’est-à-dire par sa cause déterminante et par son but. La vie commune n’est pas libre ; elle est le résultat d’une nécessité ; cette nécessité porte sur les fonctions inférieures et élémentaires de la vie : dès lors l’homme pourrait abdiquer sa conscience, son moi, que la société ne saurait cependant réclamer ce sacrifice, parce qu’il est étranger à ses conditions et à son but.

Ces deux éléments corrélatifs de la définition de