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Vinet, conformément à sa marche trop peu méthodique, a négligé de donner tout d’abord la définition des termes qui jouent un si grand rôle dans son livre, l’Église et l’État. Toutefois, la discussion dont il vient d’être question l’a amené à indiquer plus ou moins ce qu’il entend par ces mots.

La notion de la société et de l’État proposée par Vinet est directement opposée à celle qui se trouve explicitement ou implicitement renfermée dans la théorie de l’état chrétien, spécialement dans les principes de Hegel et de Rothe. C’est qu’au fond tout est là ; c’est de la définition que tout dépend. Accordez à Rothe que l’État embrasse la totalité des fins de l’humanité, et vous lui avez accordé tout ce qu’il demande ; ses vues ne sont que les déductions de ce principe, ou, pour mieux dire encore, elles ne sont que l’analyse de cette définition. Vinet n’est pas moins conséquent lorsqu’il nie que l’État soit l’homme. Non, dit-il, l’État n’est point l’homme tout entier ; la société se compose seulement de ce que les hommes peuvent mettre en commun entre eux, des éléments identiques de leur nature ; or, il est un élément dans l’homme qui est strictement individuel, qui n’est point identique dans tous, qui, par conséquent, ne saurait entrer dans le fonds commun, bien plus, dont le propre est de ne point appartenir à l’individu lui-même, de ne point relever de sa volonté, mais de la vérité seulement et de Dieu, et qui, par conséquent, ne saurait absolument être aliéné, se soumettre, se sacrifier à la communauté, sans renoncer à sa nature essentielle : c’est la con-