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l’Église et l’État, et non plus à cette discussion envisagée au point de vue des droits de la conviction. C’est ce qu’une rapide analyse fera aisément sentir.

La société réclame de l’homme la vérité de caractère, non pas seulement celle qui consiste à ne dire que ce qu’il pense, mais encore celle qui consiste à dire ce qu’il pense, à manifester ce qu’il est. Ce rapport de franchise absolue entre les hommes est au moins l’idéal de la société. Mais l’homme est en outre obligé envers la vérité elle-même, cette vérité abstraite, mais sacrée, qui, tout en se réalisant incessamment par la force des choses, exige le dévouement de ceux qui l’ont reconnue. Tout ceci s’applique avec plus de force encore à la vérité religieuse et aux convictions qui s’y rapportent. En effet, ces convictions sont ce qu’il y a de plus décisif et de plus caractéristique dans l’homme ; la conviction religieuse d’un individu est en quelque sorte l’exposant de tout son être moral ; elle constitue sa signification, mesure sa valeur, prédit sa vie. Déclarer ce que nous croyons, c’est déclarer ce que nous sommes, ce que nous voulons être. Aussi la société ne saurait-elle être indifférente à ce que croient ses membres, et si la franchise, la transparence morale importe aux relations sociales, à bien plus forte raison cette transparence doit-elle s’étendre à ce qui, dans un individu, caractérise essentiellement cet individu. C’est trahir la société que de trahir la religion en ne manifestant point cette dernière. Ce n’est pas tout : la conviction religieuse implique la communication de cette conviction comme devoir envers le prochain, la