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radicalisme, tout en poursuivant un but si différent. Quoi qu’il en soit, ce furent ces derniers, les héros de la lutte, les vainqueurs apparents, qui, au premier moment, recueillirent le pouvoir. Qu’en arriva-t-il ? Que le canton de Vaud se trouva gouverné par une minorité, et cela au moment même où le principe de la souveraineté des masses tendait à se développer et à se réaliser. Les hommes honorables et distingués qui se succédèrent pendant quinze ans dans le Conseil d’État ne représentaient rien moins que la nation. Leur intelligence, leur moralité, leur tolérance, leur supériorité tout entière constituait une espèce d’aristocratie, à une époque où se répandait de plus en plus l’idée démocratique sous sa forme la plus grossière, l'autorité absolue du nombre. Ce démocratisme développa graduellement ses instincts, puis il devint une théorie, et, après avoir rencontré un organe au sein même des hommes de 1830, il fit enfin sa révolution, sa révolution à lui, celle de 1845.

On comprend, d’après cela, avec quelles difficultés le gouvernement vaudois eut à lutter de 1830 à 1845. Au fond de la situation, nous le répétons, il y avait un malentendu. Le Conseil d’État représentait la révolution, mais cette révolution en renfermait déjà une autre ; il était censé exprimer l’opinion publique, et, de fait, il était fort au delà ou, si l’on veut, fort en deçà de cette opinion. Aussi était-il sans cesse obligé de biaiser, de compter avec les préjugés, quelquefois de reculer devant eux.

Le gouvernement réussit, en 1834, à faire rapporter