Page:Scherer - Alexandre Vinet, 1853.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 55 —

ne le fera pas, il est vrai, abandonner ce principe multitudiniste, mais elle le portera à admettre la possibilité de sa réalisation en dehors des Églises nationales et à en chercher la combinaison avec un autre principe, celui de la libre adhésion[1].

Il ne sera pas déplacé de dire ici comment se termina cette affaire de la constitution vaudoise de 1831. Le projet préparé par la commission renfermait trois articles ; le premier, celui qu’avait critiqué Vinet, fut adopté tel quel ; le second subit une modification de peu d’importance ; mais c’est sur le troisième que se concentra tout l’effort de la discussion. Il portait : « l’exercice des cultes, non contraires à l’ordre public et à la morale sociale, est d’ailleurs garanti. La loi règle cet exercice et en réprime l’abus. » On le voit, la question était de savoir si le principe de la liberté des cultes serait inscrit ou non dans le pacte fondamental. Les débats durèrent plusieurs jours. Enfin l’article

  1. Les sentiments qui, en 1831, attachaient encore Vinet à l’Église établie, sont exprimés d’une manière touchante dans l’un des articles du Nouvelliste dont nous venons de parler. « Sans doute, je ne suis pas plus étranger qu’un autre à ce sentiment qui attache au passé, à ce respect pour les anciennes institutions, proche parent du respect pour la vieillesse. Je me reprocherais presque autant de manquer à une vieille chose qu’à un vieil homme. L’âge de notre Église me la recommande, son origine bien davantage, ses écrits encore plus, et je considère en outre l’inconvénient de la supprimer. Mais j’aime encore plus en elle ce qu’elle peut devenir que ce qu’elle a été. J’aime en elle un des départements, un des territoires de l’Église invisible. J’aime en elle ce que nos pères y ont aimé : un asile pour les âmes travaillées et chargées, une hôtellerie pour les voyageurs en chemin pour l’éternité, un filet jeté par la main du Seigneur sur ma terrestre patrie. J’aime en elle quelque chose de plus ancien que tout notre passé : Je veux dire ce qu’elle a encore de l’Église de Christ, ou plutôt c’est l’Église de Christ que j’aime en elle. »