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l’évolution des principes et la liaison des doctrines, nous avons surtout remarqué dans celui-ci l’énergie avec laquelle l’auteur maintenait les droits absolus de la conscience individuelle. « Mesurez, si vous le pouvez, les maux qu’a versés sur le monde ce système fatal d’unité que vous venez défendre ; et, après cela, vantez-nous encore cette unité impie ! Impie est le mot ; car, si c’est une impiété de nier Dieu, n’en est-ce pas une aussi grande de nier la conscience, qui est sa voix, son organe, son représentant dans nos âmes ? Nier la conscience, n’est-ce pas le nier lui-même ? Car, s’il n’y a pas de conscience, il n’y a pas de distinction entre le bien et le mal ; et, s’il n’y en a point, qu’est-ce que Dieu ? Or, vous niez la conscience lorsque vous faites des lois qui supposent qu’elle n’existe pas, ou qui exigent qu’elle ne parle pas. » Vinet n’élude point les conséquences de cette suprématie de la conscience : « Une loi injuste doit être respectée par moi, quoique injuste, lorsqu’elle ne blesse que mon intérêt, et mes concitoyens, également lésés, lui doivent le même respect. Mais une loi immorale, une loi irreligieuse, une loi qui m’oblige de faire ce que ma conscience et la loi de Dieu condamment, si l’on ne peut la faire révoquer, il faut la braver. Ce principe, loin d’être subversif, est le principe de vie des sociétés. C’est la lutte du bien contre le mal. Supprimez cette lutte ; qu’est-ce qui retiendra l’humanité sur cette pente du vice et de la misère, où tant de causes réunies la polissent à l’envi ? C’est de révolte en révolte (si l’on veut employer ce mot) que les sociétés se perfectionnent, que