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dicace des écrits de M. Curtat. L’effet de cette imprudence fut désastreux. La représentation nationale et le clergé s’unissaient en quelque sorte pour affixer un signe de réprobation officielle aux prétendus novateurs. Le peuple vaudois, peu éclairé, récemment arrivé à l’indépendance nationale et à la liberté politique, privé de cette éducation que donnent aux nations les expériences de l’histoire, le peuple vaudois trouva dans l’intolérance des autorités comme un appel adressé à sa propre intolérance. L’année 1822 vit commencer ces démonstrations brutales qui signalèrent les années 1829 et 1845. Le conseil d’État, alors comme depuis, conniva aux excès qu’il aurait du réprimer ; il y conniva en rejetant sur les victimes la faute des persécuteurs, en fermant les yeux sur les auteurs des troubles publics pour accuser ceux qui n’en étaient que l’occasion innocente ; il y conniva par des arrêtés de destitution contre les jeunes ministres et bientôt par des mesures administratives et législatives qui inscrivirent l’intolérance parmi les institutions du pays. L’arrêté du 15 janvier et la loi du 20 mai 1824 ont reçu une triste célébrité[1].

  1. L’arrêté du 15 janvier 1824, alléguait que la secte dite des Mômiers formait une église nouvelle, qu’elle avait un culte public étranger à la religion de l’Etat, qu’elle avait donné lieu à des désordres, que ses principes erronés ou exagérés étaient subversifs de l’ordre social, et enfin que son prosélytisme la plaçait dans un état d’agression contre l’Eglise nationale. A la suite de ces considérants, l’arrêté ordonnait que les assemblées des sectaires seraient dissoutes et menaçait de peines correctionnelles ceux qui dirigeraient ces assemblées, ceux qui n’obéiraient pas de suite à l’ordre de se séparer, et jusqu’à ceux « dont les démarches tendraient à gagner des prosélytes. » La loi du 20 mai de la même année reproduisait