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trouvera en face d’une foi de ce genre ? Le dix-huitième siècle qui semble avoir conquis la liberté de conscience était-il donc si vraiment libéral ? L’indifférence moderne ne se changerait-elle point facilement en ferveur de haine, si le christianisme devenait de nouveau un grand fait ? Les exemples manquent-ils à cet égard ? Le canton de Vaud n’a-t-il pas eu son 1824 et son 1845 ? En un mot, la loi est-elle quelque chose sans les mœurs ; la liberté du culte est-elle possible sans la tolérance, la tolérance sans l’Évangile, et les chrétiens ne doivent-ils pas dès lors s’attendre à la persécution de la part du monde, aussi longtemps que le monde lui-même ne sera pas chrétien ? Est-il bien conséquent ou bien utile qu’ils réclament de l’État une liberté qu’ils n’en sauraient attendre ; qu’ils parlent de droit lorsqu’ils se trouvent inévitablement en dehors du droit ? Ne se font-ils pas illusion sur les préoccupations naturelles de l’État, lorsqu’ils demandent la séparation ? N’attribuent-ils point à l’État, dans ces théories, un point de vue qui ne saurait être celui de l’État, par cela même qu’il est celui de l’Église ? Bref, ne faut-il pas abandonner la thèse de la liberté des cultes pour celle de la tolérance, ou, pour mieux dire encore, la thèse de la tolérance elle-même pour la simple prédication évangélique, qui seule peut donner avec le nouvel homme l’homme tolérant, et avec la tolérance chrétienne des institutions politiques vraiment libérales ?

Voilà ce que nous nous sommes quelquefois demandé, et telle est, si nous ne nous trompons, la por-