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férence n’est-il pas de se nier comme telles, partant de nier l’objet de la foi, la vérité du christianisme ? Et dès lors la masse de la société qui n’est point croyante pourra-t-elle reconnaître et respecter cette foi qu’elle nie, la respecter et la reconnaître comme il le faut pour lui accorder des droits et lui laisser une sphère d’existence indépendante ? L’Église tend à se séparer de l’État, parce que l’État est différent d’elle, et il est différent d’elle parce qu’il ne croit point ; mais l’État incrédule peut-il accepter cette distinction, et non-seulement l’accepter comme fait, mais la reconnaître comme source d’un droit ? Il y a plus, cette foi chrétienne du petit nombre au milieu du paganisme du grand nombre, on ne peut se le dissimuler, tend à scinder l’unité morale de la société, elle est une atteinte portée à cette unité : or, la société peut-elle supporter cette atteinte ? L’État, en tant qu’étranger au christianisme, ne lui est-il pas par cela même hostile ? Peut-il se dispenser de voir un ennemi ou un danger dans une puissance qui est indépendante de son pouvoir, étrangère à sa nature, qui tend à le pénétrer et à le transformer ? Et pour descendre du général au particulier, de l’État au citoyen, et des institutions publiques aux rapports privés, l’incrédule n’est-il pas nécessairement, inévitablement intolérant ? Peut-on se fier à la civilisation comme garantie de la tolérance ? La tolérance est-elle une conquête certaine ou apparente, définitive ou momentanée ? L’opposition naturelle de l’incrédulité à une foi vivante et agressive ne se réveillera-t-elle pas toujours lorsque la société se