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écrivain fort jeune alors et qui depuis s’est distingué dans les mêmes rangs que Vinet par de brillantes qualités de publiciste, M. G. de Félice, critiqua le Mémoire dans le Nouvelliste Vaudois (numéro du 2 février 1827). Sa critique portait sur le sujet même de l’ouvrage, puisqu’il reprochait à l’auteur d’avoir traité de la liberté des cultes plutôt que de la tolérance. Selon lui, la tolérance est l’essentiel ; c’est à la recommander qu’il faut s’attacher ; là se trouve la véritable question, tandis que la liberté des cultes n’en est que le corollaire. Si tout le monde devenait tolérant, la liberté des cultes serait par ce fait même établie ; il faut donc prêcher la tolérance pour arriver à cette liberté, et non cette liberté pour arriver à la tolérance.

Cette objection, imparfaitement formulée par M. de Félice, repose au fond sur une considération d’une extrême gravité. Il n’est personne, en effet, qui, en méditant sur les rapports du temporel avec le spirituel, et en essayant d’ajuster les attributions de l’un et de l’autre, n’arrive quelquefois à des doutes du genre suivant : A quoi bon, après tout, de savants débats ? Le fait qui soulève la question n’est-il pas en même temps celui qui en rend la solution impossible ? La présence des deux sociétés au sein de la société n’est-elle pas due au grand partage de l’humanité en croyants et non croyants, et ce partage, qui rend nécessaire une organisation correspondante des rapports sociaux, ne suppose-t-il pas lui-même l’impossibilité de cette organisation ? Comme le propre du péché est de se nier lui-même, ainsi le propre de l’incrédulité et de l’indif-