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sans y introduire un élément hétérogène, destructeur, et que son rôle, purement négatif et extérieur, se borne à assurer ces conditions de liberté au milieu desquelles se développe d’elle-même la vie supérieure, la vraie vie de l’humanité. En d’autres termes, l’État n’est point l’agent du développement moral de l’humanité ; il n’en est que la condition élémentaire et extérieure. Les partisans de l’État religieux, au contraire, absorbent l’homme tout entier dans la société, la société tout entière dans l’État ; ils regardent celui-ci comme chargé de réaliser la vocation complète de l’humanité, et, dès lors, ils lui attribuent, non pas seulement le droit, mais le devoir d’une intervention directe dans tous les intérêts de l’homme, dans ceux de la morale et de la religion comme dans les autres. L’État n’est plus seulement une fonction de la société, une sphère de sa vie, une condition de son développement ; c’est la société elle-même représentée et agissant, la société devenue personne morale, avec une conscience et, par suite, avec une foi. Aux yeux de Vinet, la conséquence de la théorie de l’État chrétien, c’est l’invasion de la contrainte dans la sphère essentielle de la liberté, et, par conséquent, l’altération profonde de la notion même de la religion.

Vinet n’a jamais consenti à réimprimer son Mémoire sur la liberté des cultes. Il le jugeait trop défectueux pour être susceptible d’améliorations, et il aurait cru mieux employer ses forces à le refaire qu’à le corriger. Néanmoins il avait été question de traduire l’ouvrage en allemand, et Vinet se décida, en 1834, à remanier