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point de leur profession religieuse, et que toute secte soit tolérée aussi longtemps qu’elle ne porte aucune atteinte à la morale sociale. Déjà, dans le chapitre relatif au salaire du culte, Vinet avait laissé quelque peu fléchir la rigueur des principes. Il avait admis un plan d’après lequel le gouvernement imposerait à tous les citoyens une taxe religieuse, puis en répartirait les produits entre les diverses communions, au prorata du nombre des adhérents de chacune.

M. Stahl a attaqué la théorie du Mémoire sur la liberté des cultes et l’a accusé de dépouiller l’État de son caractère moral (Entsittlichung des Staates). Ce reproche a souvent été répété contre la notion de l’État sur laquelle s’appuie le système de la séparation. Les termes mêmes de ce reproche tendent à présenter les vues de Vinet sous un jour fâcheux et risquent de donner lieu à un malentendu. A la bien prendre, la question entre Vinet et ses adversaires ne porte point sur la vocation générale de la société, mais sur les moyens d’y atteindre, c’est-à-dire sur les attributions de l’État. De part et d’autre on est d’accord que l’humanité et, par conséquent, la société n’ont pas de but plus élevé que cette vie morale dont la religion est l’âme et la garantie. Seulement les uns prétendent que la société doit tendre librement à ce but ; que le principe essentiel de cette vie, c’est la liberté ; que la sphère de l’État est une sphère inférieure, celle de la nécessité et de la contrainte ; que, par conséquent, l’État ne peut intervenir dans le domaine de la morale et de la religion