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Il y a, sans doute, une morale sociale que la société est appelée à protéger, sur laquelle elle repose. Mais cette morale a une autre source que la religion ; elle émane de la société, comme la société, à son tour, en émane ; elle se compose des droits que la société est destinée à garantir, des besoins qui ont rassemblé les hommes en société. On pourrait l’appeler la raison publique. Ses éléments principaux sont la justice et la pudeur. Elle a, pour tous les membres de la société, un caractère d’évidence pris dans la nécessité. En dehors de ses limites se trouvent les sentiments du cœur et la vie intérieure et, en général, tout ce qui dépasse la sphère des droits positivement consacrés par la société.

A l’opposé de la société civile, la société religieuse est née de la simple communauté de sentiments ; c’est un sentiment moral, et non pas un besoin ou une nécessité qui en a déterminé la formation ; non-seulement la contrainte est entièrement étrangère à son principe ; mais sa vraie base est la liberté, car elle repose sur la foi, et la foi ne se commande pas.

D’après cela, l’auteur n’admet qu’un genre de relation entre les deux sociétés, à savoir l’influence purement morale de la société religieuse sur la société civile. Il est même plus exact de dire que c’est l’esprit religieux, et non la société religieuse, qui influe sur la société civile. Quant à l’État, il doit se reconnaître incompétent en matière spirituelle ; il s’abstient, et ne sort de ce rôle de neutralité que lorsque l’Église pé-