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sur le principe qu’on ne naît pas chrétien, mais qu’on le devient. De là cette aversion pour tout ce qui semblait menacer l’indépendance et l’individualité des croyances. Qui sait si une autre forme de vie religieuse, un développement plus insensible dans un milieu différent, n’eussent point fait accepter à l’esprit de l’illustre penseur certaines conditions du christianisme dans le monde, telles que la foi d’autorité et le rôle éducateur de l’Église ?

Ce n’est pas tout. Vinet avait douté ; mais le triomphe était resté à la vérité évangélique. Cette vérité avait vaincu en lui et vaincu à titre de vérité. Non moins sceptique peut-être que Pascal, Vinet était arrivé à une possession chrétienne plus assurée. Pascal se plaît à exprimer, à exagérer le dualisme de la foi et de la raison, tandis que, pour Vinet, la dualité est en grande partie réduite, sa foi est raison et sa raison est foi. Ce qui est certain, c’est que Vinet avait acquis par son expérience personnelle une grande confiance dans la puissance de la vérité, et c’est là un second caractère de sa pensée religieuse. Que lui importe que les hommes soient hostiles ou indifférents ; cet Évangile qui l’a atteint, lui, ne peut manquer d’atteindre les autres. Par cela seul que le christianisme est vrai, il est une force. Tout ce qu’il lui faut, c’est la liberté. Laissez-le donc à lui-même, affranchi de toute entrave, mais surtout de tout secours, et il saura faire la conquête du monde. L’efficace propre, l’énergie dans la liberté, tel est précisément le critère de la vérité. Si vous croyez à la vérité, vous avez confiance en elle,