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Les renseignements nous manquent tout à fait sur le changement décisif qui s’accomplit, vers 1823, dans les vues et plus encore dans les expériences de Vinet. Il y eut combat, nous le savons, enfantement laborieux de l’homme nouveau, mais rien n’en trahit les douleurs, et le drame intérieur resta strictement intérieur pour cette âme si humble et si discrète. La pudeur du senthuent n’a guère été poussée plus loin que chez lui. Mais quelle que soit notre ignorance sur cette crise de sa vie chrétienne, il n’est pas difficile de reconnaître que la manière dont se formèrent les convictions religieuses de Vinet influa profondément sur la direction même de ces convictions.

On ne tient pas assez compte de l’action décisive qu’exercent sur la pensée religieuse les circonstances particulières de la naissance d’une âme à la vie divine. Ce sont ces circonstances qui déterminent la forme sous laquelle tel ou tel individu concevra le christianisme. La lutte entre les passions et l’Évangile retentit encore à travers la doctrine de saint Augustin sur la grâce. Le mot de la délivrance spirituelle de Luther reste jusqu’à la fin la devise de son drapeau. Les Pensées portent les traces du scepticisme sur lequel Pascal avait conquis sa foi. La piété morave projette son reflet sur la dogmatique de Schleiermacher. Il en est de même de Vinet.

Pour Vinet, être convaincu, c’était, selon sa propre expression, avoir été vaincu. Sa foi, lentement et péniblement acquise, était éminemment une foi personnelle. De là cette notion de la religion qui repose