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quelque chose d’incompatible avec le beau, avec l’idéal. Vinet nous semble d’ailleurs avoir lui-même donné les éléments d’un verdict différent de celui qu’il a prononcé. Selon lui, l’imagination n’est qu’une seconde âme, une âme en quelque sorte extérieure et concentrique à la première, âme de poëte et non d’homme, âme irresponsable qui ne compte pas dans l’appréciation de l’être moral, et dont la nature, dont la valeur ne représentent point toujours avec exactitude la nature et la valeur de l’âme véritable. Fort bien ; mais le christianisme n’a-t-il pas précisément pour but et pour effet de ramener l’âme à l’unité en faisant de l’être moral le centre réel de la vie humaine ? Et s’il en est ainsi, l’imagination ne perd-elle pas tout ce que l’homme gagne en vie morale, en unité intérieure, et, pour tout dire, en christianisme ? Si l’histoire nous montre la religion enfantant des formes nouvelles et immortelles de l’art, bien plus, si tout art dans sa plus haute expression est un produit de la foi, il faut bien avouer aussi que cette foi et cette religion diffèrent assez de ce que Vinet entendait par ces mots.

Les travaux critiques de Vinet ne portent pas seulement l’empreinte de son talent, ils sont aussi l’expression de son âme, ils ont un caractère moral. En général, la critique est quelque chose d’essentiellement relatif. Le jugement que l’on porte dépend du point de vue auquel on se place, et ce point de vue varie avec chacune des dispositions où peuvent nous jeter l’affection, le dédain, l’autorité, la surprise, que dis-je ? le caprice même du moment. Le plus souvent, il est