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l’outragent ! Ah ! qu’il est pénible de rencontrer de telles contradictions dans une telle œuvre ! et qu’on reconnaît bien, à ce manque de respect dans le langage, l’absence de la seule conviction qui puisse faire prononcer le nom saint avec la sainte terreur qui lui est due ! »

La pensée littéraire et la pensée religieuse devaient se réunir pour porter l’attention de Vinet sur un point particulier, nous voulons dire les caractères, la légitimité, la possibilité même de la poésie chrétienne. Pour résoudre cette question, il faudrait peut-être la diviser et rechercher tour à tour quels sont les rapports de la religion avec la poésie et quelle est l’aptitude du chrétien pour l’art. Les faits évangéliques, considérés en eux-mêmes, peuvent renfermer un élément de poésie, sans que la foi du croyant doive pour cela être regardée comme favorable à la production poétique. Vinet a plusieurs fois touché à ces questions qui, on le sent, le concernaient de très près ; il tend à les résoudre dans un sens conforme à ses penchants littéraires. La vie intérieure avec ses luttes, l’histoire de l’Église avec ses martyres, ne sont-elles pas des poëmes ? La foi chrétienne a sans doute trouvé l’idéal que poursuit la poésie, et dès lors on pourrait croire que cette poursuite doit cesser, et avec cette poursuite la poésie. Mais la foi possède-t-elle pleinement l’idéal ? L’unité est-elle définitivement rétablie ? La régénération est-elle l’innocence ? Peut-être aurait-il fallu se demander plutôt si les idées morales, en particulier celle du péché prise dans son sens tragique, n’ont pas