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la morale de Béranger : « Même dans ce qu’elle a de vrai, cette morale n’est qu’instinct et tradition ; il y a vingt ans, ce n’était rien ; aujourd’hui nous sommes tombés assez bas pour que ce soit quelque chose ; et à défaut de principes, des sentiments naturels sont bons à rencontrer et paraissent presque louables. » Ainsi encore en parlant de Lamartine : « Cette mollesse de la pensée, si l’on peut s’exprimer ainsi, atteint chez lui la religion comme tout le reste. Sa religion offre trop peu de prise à la réflexion pour prendre dans la vie la place qu’elle y devrait prendre ; elle nourrit trop peu la raison et la conscience pour nous restaurer ; ce n’est ni du pain, ni de la viande, c’est un blanc-manger délicat, parfumé, dont chacun est bien aise de goûter, dont personne ne pourrait vivre. » Et ailleurs : « Nous voudrions avertir le poëte lui-même, hélas ! quoique nous sachions trop bien que la vérité arrive malaisément aux oreilles des rois ; et qui est roi, qui a hérité des dangereux priviléges de la royauté, si ce n’est le génie ? Mais si le génie est beaucoup plus grand que nous, la vérité est plus grande que le génie : il n’est pas dispensé plus que nous de l’écouter et de lui rendre hommage. » Parfois le ton devient plus sévère. Un vers du Prométhée de M. Quinet arrache ces réflexions au critique : « Le panthéisme n’est-il pas ici avec ses conséquences les plus extrêmes et son aspect le plus hideux ? Et peut-on, sans effroi, se figurer le Dieu nouveau, c’est-à-dire Dieu dans sa notion la plus parfaite et la plus pure, identifié avec les chants qui le nient, les excès qui l’affrontent, et les attentats qui