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du retour à la foi et à la vie évangéliques qui s’est accompli il y a une trentaine d’années, et que l’on connaît parmi nous sous le nom de Réveil. Ce réveil fut le contre-coup de celui que le méthodisme avait opéré en Angleterre. Il se rattacha tout naturellement à la dogmatique réformée, prenant pour centre la doctrine de la justification et mêlant d’une manière assez peu harmonieuse les formules du dix-septième siècle et la religiosité tout intérieure du piétisme. Il avait été provoqué par le zèle de quelques voyageurs étrangers, mais on a exagéré cette action, et, dans tous les cas, le réveil français et roman finit par prendre son caractère propre et ses allures à lui.

Vinet se sentit d’abord plus repoussé qu’attiré. C’est dans ce sens qu’il s’exprima en 1821. Il s’agissait de défendre l’un de ses professeurs, homme pieux, mais ennemi déclaré des nouvelles tendances. M. Curtat avait écrit contre les conventicules, et les fidèles attaqués avaient répondu, dans l’une des réunions ainsi désignées, en priant Dieu de donner à leur adversaire la lumière et la charité. Vinet fut vivement choqué du ton un peu pharisaïque de cette représaille et, dans un écrit de quatre pages, il caractérisa les doctrines du réveil comme nouvelles, sectaires, et comme un mélange curieux d’humilité et d’orgueil. Dix ans plus tard, un adversaire s’étant fait une arme de ce passage contre l’écrivain devenu défenseur du réveil persécuté, Vinet n’hésita point à se rétracter. Il avait, dit-il, jugé sans connaître, jugé témérairement et jugé mal.