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vers la poésie lyrique. Après tout, c’est le christianisme qui forme le vrai fond et l’intention de sa critique. On retrouve encore dans ses articles le moraliste religieux. Non que le jugement artistique ne soit pour lui qu’un prétexte pour faire passer une prédication ; Vinet est franchement littéraire, il l’est sans arrière-pensée, mais l’attachement aux choses divines, bien loin d’exclure en lui l’amour des choses de l’intelligence, pénètre cet amour et le consacre. Quelques-uns des articles de Vinet, celui, par exemple, qu’a inspiré le roman de M. Sainte-Beuve, sont de beaux traités de morale. En général, il est digne d’attention qu’avec une organisation esthétique si impressionnable et une tendance si marquée à l’indulgence, Vinet ait su main- tenir si incorruptibles les arrêts de l’esprit chrétien. Le sentiment littéraire est facilement païen ; la croyance évangélique est volontiers puritaine ; eh bien ! le collaborateur du Semeur a su allier une foi austère avec la passion la plus délicate et la plus vive des choses littéraires, et cela sans qu’aucune raideur marque jamais l’effort. C’est là, si nous ne nous trompons, l’un des principaux charmes de ses travaux critiques.

Si la critique de Vinet est toujours religieuse, elle est rarement théologique ; les dissertations ex professo, semblables à celles qu’il a consacrées à Jocelyn, à la Divine Épopée, sont en petit nombre dans son œuvre. Sa critique est encore moins confessionnelle. Il a lui-même déclaré combien il était peu protestant, au sens négatif et polémique du mot. Le fait est que jamais