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le domaine du christianisme au delà des limites fixées par une piété timide ou formaliste, était inhérent à la foi de Vinet. Il n’admettait point que l’Évangile pût abdiquer et se retirer dans l’enceinte monastique d’une coterie d’adeptes ; il revendiquait pour la religion le grand air, la lumière du soleil, la tribune aux harangues ; plein de la liberté et de la simplicité que produit la conviction, il ne connaissait point les fausses délicatesses ; ne l’a-t-on pas vu rendre compte des pièces du théâtre moderne, et affronter jusqu’au cynisme de MM. Dumas et Hugo ?

L’abondance de Vinet mérite d’être signalée. C’est une marque de puissance qu’une semblable richesse. Quelle variété de tons n’a-t-il pas trouvée pour juger nos auteurs classiques ou nos poëtes contemporains ! Que de fois n’a-t-il pas parlé de Pascal ! Que d’articles n’a-t-il pas consacrés aux diverses publications de Victor Hugo, de Lamartine, et cela sans embarras, sans fatigue, sans répétition ! Peu de mois avant sa mort il a donné, dans trois journaux divers, trois articles sur un même ouvrage, les chansons de M. Olivier. Il est vrai que cette abondance était alimentée par un travail incessant. A ce propos, rappelons que la vie de notre ami était un mystère pour ceux qui l’approchaient. Possédé d’un besoin de produire qui ne fit qu’augmenter jusqu’à la fin, projetant, écrivant, dictant sans cesse, il poussait fort loin en même temps les scrupules littéraires. Il ne se croyait le droit de juger qu’après une étude attentive. Il lisait immensément, mais il lisait avec conscience et souvent il