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d’un des balcons du Vatican, les horizons lointains d’Albano, vers quatre heures du soir. En présence de l’Apollon du Belvédère, j’avais vu notre guide, l’excellent sculpteur Fokelberg, qui le visitait presque chaque jour depuis vingt ans, laisser échapper une larme ; et cette larme de l’artiste m’avait paru, à moi, plus belle que l’Apollon lui-même. Un bateau à vapeur me transporta en deux jours de Civita-Yecchia à Marseille, et de là je courus à Lausanne, où j’étais six jours après avoir quitté Rome. Le lendemain de mon arrivée, au matin, j’allai à la classe de M. Vinet, pour l’entendre, — une pauvre classe de collège, toute nue, avec de simples murs blanchis et des pupitres de bois. Il y parlait de Bourdaloue et de La Bruyère. L’Écossais Erskine (le même qu’a traduit la duchesse de Broglie) était présent comme moi. J’entendis là une leçon pénétrante, élevée, une éloquence de réflexion et de conscience. Dans un langage fin et serré, grave à la fois et intérieurement ému, l’âme morale ouvrait ses trésors. Quelle impression profonde, intime, toute chrétienne, d’un christianisme tout réel et spirituel ! Quel contraste au sortir des pompes du Vatican, à moins de huit jours de distance ! Jamais je n’ai goûté autant la sobre et pure jouissance de l’esprit, et je n’ai eu plus vif le sentiment moral de la pensée. »

La littérature française a toujours eu sa part dans les travaux de Vinet, mais le premier ouvrage purement littéraire qu’on lui doive est la Chrestomathie, dont les trois volumes furent publiés en 1829 et 1830.