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ténèbres, elle en lie les éléments désunis, elle y crée l’unité ; elle ne se fait pas croire seulement, elle se fait sentir ; et, quand l’âme se l’est appropriée, elle ne se distingue plus de ses croyances primitives, de cette lumière naturelle que tout homme apporte en venant au monde. » Et ailleurs, dans un beau passage de la même date : « Vous rappelez-vous les usages de l’antique hospitalité ? Avant de se séparer de l’étranger, le père de famille, brisant un sceau d’argile où certains caractères étaient imprimés, lui en donnait une moitié et conservait l’autre ; après des années, ces deux fragments, rapprochés et rejoints, se reconnaissaient, pour ainsi dire, opéraient la reconnaissance de ceux qui se les présentaient mutuellement, et, en attestant d’anciennes relations, ils en formaient de nouvelles. Ainsi, dans le livre de notre âme, se rejoint à des lignes commencées leur complément divin ; ainsi notre âme ne découvre pas, mais reconnaît la vérité ; ainsi elle juge avec évidence qu’une rencontre impossible au hasard, impossible au calcul, est l’œuvre et le secret de Dieu, et c’est alors seulement que nous croyons véritablement. Redisons-le : l’Évangile est cru lorsqu’il a passé pour nous du rang de vérité extérieure au rang de vérité interne et, si j’ose le dire, d’instinct ; lorsqu’il nous est à peine possible de distinguer sa révélation des révélations de la conscience ; lorsqu’il est devenu en nous un fait de conscience. »

Vinet a entrevu, dès ses premiers écrits, ce grand principe de l’harmonie du christianisme avec l’homme. Au milieu des transformations de ses vues, il s’est