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En s’exprimant ainsi, Vinet rompait en visière à l’orthodoxie protestante ; le ton polémique du discours montre assez que l’auteur comprenait dans quelle opposition il se mettait avec les idées reçues, et la conviction que ces idées offraient un danger put seule, sans doute, le faire sortir de sa réserve dogmatique habituelle. La forme sous laquelle la doctrine de la justification se produisait lui paraissait funeste, parce qu’elle supprimait autant que possible l’élément moral de la croyance, pour établir une espèce d’opus operatum intellectuel. Au reste, la portée de l’attaque fut sentie. Un ami de Vinet réclama, et Vinet lui-même crut devoir, dans la troisième édition, donner quelques éclaircissements sur sa pensée. Il ne nous paraît pas que l’on se soit parfaitement entendu. Les deux théologiens étaient évidemment animés de préoccupations diverses. L’un mettait le centre de gravité de l’Évangile dans l’expiation de Christ ; l’autre tendait à le placer dans la foi du chrétien. D’après le premier, la foi n’est que l’organe au moyen duquel le fidèle s’approprie le bénéfice des mérites du Sauveur ; d’après Vinet, le salut consiste moins dans une sentence judiciaire que dans une vie nouvelle, et la foi est le principe de cette vie. En général, nous croyons pouvoir affirmer que Vinet n’a jamais entièrement compris la théorie juridique de la justification, tant elle répugnait à son sentiment intime. Ajoutons que, soit dans le discours lui-même, soit dans la note qui s’y rapporte, Vinet serait arrivé à une exposition plus nette de sa pensée, s’il s’était moins préoccupé de l’argumenta-