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Ce n’est pas tout. La conscience du péché produit dans le cœur la crainte d’un Dieu vengeur ; mais la crainte bannit l’amour, car on n’aime pas quand on craint, et c’est pourquoi le pécheur semble éternellement condamné à tourner dans ce cercle vicieux, la crainte comme conséquence du péché, le péché comme conséquence de la crainte. Vient l’Évangile, c’est-à-dire la proclamation du pardon sans condition, du salut avant les œuvres. A cette nouvelle, la crainte est bannie, le cœur est mis au large, il s’épanouit, il peut aimer de nouveau, que disons-nous ? il ne peut pas ne pas aimer.

Cette doctrine, nous le répétons, n’est point une conception originale ; c’est tout simplement la doctrine du grand apôtre des gentils. Le mérite de Vinet, c’est d’abord d’avoir très vivement saisi le sens profond et l’enchaînement de ces idées ; c’est ensuite de les avoir développées au point de vue apologétique. Du reste, il ne tarda pas à sentir que cette exposition était trop systématique pour rendre exactement le caractère de l’Évangile. Nous ignorons s’il s’aperçut également du vice logique de ce système. Une notion du salut aussi religieuse que l’était celle de Yinet, une notion d’après laquelle la vie éternelle est la vie même de l’âme en Dieu, cette notion ne permet pas d’établir entre le pardon et la régénération, entre le salut et le renouvellement intérieur, la distinction qui caractérise la doctrine paulinienne[1]. Non-seulement il ne peut y avoir

  1. Le mot pardonner se prend dans deux sens ; dans le premier il signifie ne garder aucun ressentiment d’une injure reçue, dans le second