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Toute l’efficace morale de l’Évangile, on peut dire toute sa vertu rédemptrice, puisque l’Évangile ne sauve qu’en régénérant, Vinet la place dans le pardon gratuit, et c’est là qu’il croit distinguer le trait vraiment caractéristique du christianisme ; c’est là, par conséquent aussi, qu’il place le centre de son apologétique. On trouve déjà cette idée favorite dans la Lettre à la Société de la morale chrétienne ; elle est exprimée dans les premiers articles que l’auteur envoya au Semeur ; elle constitue le fond des Discours. Les écrits postérieurs de Vinet la renferment encore, mais sans lui donner peut-être une place aussi envahissante.

Si cette doctrine est le fond de l’Évangile, le fond de cette doctrine elle-même, c’est le salut mis avant la régénération et, par suite, la régénération regardée comme le fruit du salut au lieu d’en être la cause. Vinet se complaît à exprimer cette idée et à la développer sous tous ses aspects.

Les philosophies ont une assez belle morale ; ce qui leur manque, c’est un mobile ; or, ce mobile ne peut être que l’amour. Eh bien ! en Jésus-Christ se manifeste un Dieu qui pardonne, qui sauve, qui sauve d’avance et sans conditions. Mais ce Dieu charitable, comment ne pas l’aimer, et, dès lors, comment ne pas se donner à lui et s’empresser de lui obéir ? Le voilà donc trouvé, ce mobile qu’aucun système humain n’a jamais pu inventer, parce qu’un mobile est une affection, parce qu’une affection ne peut se commander, mais doit s’inspirer, et parce que, pour l’inspirer, il faut un fait.