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dramatique, que Vinet présente la doctrine dont il s’agit, et, en 1831, il ne craint pas d’en accentuer les termes et d’appuyer sur des notions évidemment anthropomorphiques et juridiques. Il en est encore à cette phase de la vie intellectuelle et religieuse où l’on croit répondre à tout en alléguant le mystère. On remarquera cependant que, tout en revenant souvent aux idées dont nous parlons, il s’abstient de les analyser ; il s’en tient à leur signification générale, il parle de substitution et d’expiation, il ramène ces faits au sacrifice de Jésus-Christ, il proclame les merveilles de cette œuvre de grâce ; mais il évite comme instinctivement d’examiner de plus près les éléments d’une doctrine au fond de laquelle on trouve plus d’une idée arbitraire.

Au reste, que Vinet soit ou non mal à l’aise au milieu de cette théologie objective dont il va répétant les formules traditionnelles, il est évident que sa préoccupation est ailleurs. Il voit dans le sacrifice de Christ la révocation de la condamnation prononcée sur l’homme ; mais il se plaît surtout à y voir la puissance du péché brisée. Et ces deux choses ne sont pas pour lui sans rapport. L’expiation, qu’il nomme souvent, et sur la nature de laquelle il ne s’explique guère, n’est au fond pas autre chose, à ses yeux, que cet acte de Jésus-Christ en vertu duquel le pécheur est justifié. La gratuité du salut, tel est, pour Vinet, le vrai sens de la théorie d’Anselme, le seul dont il se soucie beaucoup. Ici, comme ailleurs, la tendance de sa dogmatique est décidément subjective ; elle l’est déjà en 1831 ; elle le deviendra toujours davantage.