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c’est que cette puissance se fortifie de chaque victoire qu’elle remporte ; c’est que chacune de nos transgressions étend ainsi son influence sur toute notre vie ; c’est que notre état moral, à un moment donné, est le résultat de l’ensemble de toutes nos déterminations antérieures. Là, nous le croyons, est toute l’explication du phénomène, et il est faux que la coulpe soit ineffaçable parce qu’elle est irrévocable, comme il est faux qu’elle puisse être effacée par autre chose que par le renouvellement moral lui-même.

Au reste, Vinet, pour expliquer la nécessité de la Rédemption, s’est moins attaché au sentiment du péché qu’à la justice même de Dieu. En effet, le sentiment tout subjectif dont il vient d’être question s’est exprimé par une notion objective qui revêt elle-même tantôt une forme plus abstraite, tantôt une forme plus personnelle. Vinet la présente tour à tour sous ces deux formes. Quelquefois il fait valoir la nature de la loi ; cette loi est spirituelle et demande, par conséquent, l’obéissance du cœur ; cette loi est divine et ne peut être satisfaite que par une obéissance sans réserve ; enfin cette loi est inviolable et ne peut recevoir aucune atteinte sans exiger une réparation absolue. Mais plus souvent encore Vinet met à la place de la loi la justice même de Dieu ; il oppose cette justice infinie à un amour qui ne l’est pas moins ; il fait ainsi entrer en conflit les attributs essentiels de Dieu et se plaît à nouer les termes d’un problème dont nous verrons tout à l’heure la solution.

Mais le péché n’est pas seulement condamnation ;