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point de vue aussi peu religieux et aussi peu philosophique.

Au reste, nous l’avons dit, ce ne sont pas ces données générales qui préoccupent Vinet dans ses discours apologétiques. Pascal avait puisé sa défense de l’Évangile dans l’harmonie de cet Évangile avec les besoins éternels de l’homme ; mais il avait considéré ces deux choses, le mal et le salut, un peu en gros et du dehors. Le mal c’était la misère, non le péché avec ses éléments tragiques, l’angoisse, le besoin du pardon, l’impuissance à se vaincre, la terreur qui bannit l’amour. De même le don divin, à ses yeux, était vaguement la félicité et, à parler proprement, le paradis. Vinet a le mérite de prendre son point d’appui beaucoup plus profondément. Il se transporte au centre même de la doctrine chrétienne telle qu’il la conçoit, il étudie les effets moraux de cette doctrine, et c’est dans la puissance régénératrice de l’Évangile, dans sa vertu comme mobile d’une vie nouvelle qu’il trouve la démonstration de sa divinité.

La raison de ce progrès, et ce progrès est considérable, c’est une notion nouvelle et plus spirituelle du salut. En effet, la dogmatique dépend tout entière de cette notion, comme la morale dépend de la notion du souverain bien. Ce n’est pas que Vinet ait une conscience nette de l’antagonisme dans lequel son idée du salut le place vis-à-vis de l’ancienne dogmatique ; ce n’est pas non plus qu’il reconnaisse déjà à quelles conséquences cette idée le portera un jour ; mais il ne la possède pas moins, il la possède d’autant mieux