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comprendre, ou accepter par la foi ce qu’il repousse par l’intelligence, et la théologie aura change de face.

A la manière dont Vinet conçoit les rapports de la raison avec la foi se rattache étroitement une autre conception sur laquelle n’a pas moins influé l’ancienne apologétique supranaturaliste. Son idée de la révélation chrétienne flotte entre deux points de vue differents. Çà et là Vinet paraît avoir saisi cette notion féconde d’après laquelle la révélation est une histoire et les dogmes sont des faits. Mais cette notion n’est pas encore très assurée dans son esprit ; il n’en sent pas encore toute la portée, et c’est pourquoi il retombe fréquemment dans l’idée de la révélation considérée comme un ensemble de mystères, comme une communication de vérités supérieures, comme un système de doctrines. Il va même quelquefois jusqu’à prendre la révélation dans le sens de révélation écrite et comme synonyme de l’Écriture. Ces divers éléments d’une même conception dérivent d’un même principe, principe qu’on peut appeler l’intellectualisme religieux. L’homme, s’imagine-t-on, est essentiellement un être qui connaît ; il est sauvé par la connaissance ; Dieu nous a découvert des vérités auxquelles nous ne pouvions nous élever par notre propre raison ; mais ces vérités n’en restent pas moins des mystères ; nous n’en percevons que l’énoncé ; nous les possédons réduites en formules plus ou moins abstraites, et la théologie doit se borner à opérer extérieurement et logiquement sur ces doctrines révélées. On le sent, il était impossible que Vinet restât longtemps fidèle à un