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intérieurs ; le christianisme, c’est pour lui le christianisme traditionnel, un héritage qu’il s’agit d’accepter ou de refuser, mais sans bénéfice d’inventaire ; la raison n’est qu’un guide qui nous conduit au seuil du temple, mais qui reste à la porte lorsque nous pénétrons dans l’intérieur. Si Vinet n’accepte point cette méthode favorite du catholicisme qui oppose absolument la foi à la raison et qui élève l’édifice de la croyance religieuse sur la base d’un scepticisme universel, il en est encore au point de vue du supranaturalisme protestant qui présente la foi et la raison comme deux sphères absolument distinctes, sphères dont le contact, réduit à un seul point, ne ménage de l’une à l’autre que le plus étroit des passages. A l’aide de cette distinction, l’apologétique cherche à écarter la nécessité de plaider au fond et prétend réclamer l’adhésion à des doctrines qu’elle s’abstient de justifier, bien plus, de discuter ou seulement d’examiner. En définitive, c’est revenir, par un chemin détourné, au dualisme qu’on avait abandonné, c’est demander à la raison une abdication impossible. Derrière cette méthode on retrouve également une erreur psychologique, celle qui consiste à regarder les puissances de l’âme humaine comme les compartiments d’un casier. Quand on aura compris que la foi n’est pas une faculté spéciale, qu’elle n’est pas davantage un produit du sentiment tout seul, non plus que de la raison ou de la volonté isolées ; mais qu’elle est un acte spirituel complexe dans lequel l’homme tout entier est engagé, on cessera de s’imaginer que l’homme puisse croire sans