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surnaturel, et c’est ainsi que l’apologétique se vit conduite à établir en principe un dualisme absolu entre la raison et la foi. Le christianisme devint un ensemble de mystères, sa dogmatique une collection de formules, la religion tout entière une abstraction. En effet, si l’homme n’est que raison et si la religion est au-dessus de la raison, il ne peut y avoir de contact entre l’homme et la religion, et celle-ci reste pour celui-là une grandeur inconnue et, pour ainsi dire, une quantité abstraite.

Mais l’esprit ne peut accepter à la longue le dualisme dont il s’agit, parce que tout dualisme est une contradiction, et que l’esprit ne peut se reposer dans la contradiction. Admettre une dualité irréductible, c’est, au fond, abdiquer, et l’homme n’abdique jamais définitivement. C’est ainsi que l’apologétique abonda dans le sens du rationalisme. Cela devait être ; si l’homme n’est que raison et si la religion est faite pour l’homme, il est clair que l’homme doit s’approprier la religion par la raison, en d’autres termes, qu’il doit ramener celle-ci aux proportions de la raison, et, s’il trouve dans la religion un élément qui ne se laisse point réduire, cet élément irrationnel ne peut être qu’une superfétation et il doit être retranché, ou bien il est une erreur et il doit être nié.

Telles sont les origines du déisme anglais et de l’ancien rationalisme allemand. Ce n’est pas ici l lieu de dire comment la théologie est sortie du défilé dans lequel elle était enfermée, et quelle part ont prise à cette grande œuvre Kant et Schleiermacher. Ce n’est